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Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,
Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !
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LIX. Sisina
Imaginez Diane en galant équipage,
Parcourant les forêts ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s enivrant de tapage,
Superbe et défiant les meilleurs cavaliers !
Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,
Excitant à l assaut un peuple sans souliers,
La joue et l Sil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?
Telle la Sisina ! Mais la douce guerrière
À l âme charitable autant que meurtrière ;
Son courage, affolé de poudre et de tambours,
Devant les suppliants sait mettre bas les armes,
Et son cSur, ravagé par la flamme, a toujours,
Pour qui s en montre digne, un réservoir de larmes.
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LX. Franciscae meae laudes
Novis te cantabo chordis,
Ô novelletum quod ludis
In solitudine cordis.
Esto sertis implicata,
Ô femina delicata,
Per quam solvuntur peccata !
Sicut beneficum Lethe,
Hauriam oscula de te,
Quae imbuta es magnete.
Quum vitiorum tempestas
Turbabat omnes semitas,
Apparuisti, Deitas,
Velut stella salutaris
In naufragiis amaris&
Suspendam cor tuis aris !
Piscina plena virtutis,
Fons aeternae juventutis,
Labris vocem redde mutis !
Quod erat spurcum, cremasti ;
Quod rudius, exaequasti ;
Quod debile, confirmasti.
In fame mea taberna,
In nocte mea lucerna,
Recte me semper guberna.
Adde nunc vires viribus,
Dulce balneum suavibus
Unguentatum odoribus !
Meos circa lumbos mica,
Ô castitatis lorica,
Aqua tincta seraphica ;
Patera gemmis corusca,
Panis salsus, mollis esca,
Divinum vinum, Francisca !
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LXI. À une dame créole
Au pays parfumé que le soleil caresse,
J ai connu, sous un dais d arbres tout empourprés
Et de palmiers d où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.
Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
À dans le cou des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.
Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d orner les antiques manoirs,
Vous feriez, à l abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le cSur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.
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LXII. MSsta et errabunda
Dis-moi, ton cSur parfois s envole-t-il, Agathe,
Loin du noir océan de l immonde cité,
Vers un autre océan où la splendeur éclate,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité ?
Dis-moi, ton cSur parfois s envole-t-il, Agathe ?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
Qu accompagne l immense orgue des vents grondeurs,
De cette fonction sublime de berceuse ?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
Emporte-moi, wagon ! enlève-moi, frégate !
Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs !
Est-il vrai que parfois le triste cSur d Agathe
Dise : Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate ?
Comme vous êtes loin, paradis parfumé,
Où sous un clair azur tout n est qu amour et joie,
Où tout ce que l on aime est digne d être aimé,
Où dans la volupté pure le cSur se noie !
Comme vous êtes loin, paradis parfumé !
Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant derrière les collines,
Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets,
Mais le vert paradis des amours enfantines,
L innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l Inde et que la Chine ?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l animer encor d une voix argentine,
L innocent paradis plein de plaisirs furtifs ?
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LXIII. Le revenant
Comme les anges à l Sil fauve,
Je reviendrai dans ton alcôve
Et vers toi glisserai sans bruit
Avec les ombres de la nuit,
Et je te donnerai, ma brune,
Des baisers froids comme la lune
Et des caresses de serpent
Autour d une fosse rampant.
Quand viendra le matin livide,
Tu trouveras ma place vide,
Où jusqu au soir il fera froid.
Comme d autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse,
Moi, je veux régner par l effroi.
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LXIV. Sonnet d automne
Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
« Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? »
Soi charmante et tais-toi ! Mon cSur, que tout irrite,
Excepté la candeur de l antique animal,
Ne veut pas te montrer son secret infernal,
Berceuse dont la main aux longs sommeils m invite,
Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
Je hais la passion et l esprit me fait mal !
Aimons-nous doucement. L Amour dans sa guérite,
Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal.
Je connais les engins de son vieil arsenal :
Crime, horreur et folie ! Ô pâle marguerite !
Comme moi n es-tu pas un soleil automnal,
Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?
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LXV. Tristesses de la lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d une main distraite et légère caresse
Avant de s endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d opale,
Et la met dans son cSur loin des yeux du soleil.
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LXVI. Les chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l horreur des ténèbres ;
L Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s endormir dans un rêve sans fin ;
Leurs reins féconds sont pleins d étincelles magiques,
Et des parcelles d or, ainsi qu un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
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LXVII. Les hiboux
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur Sil rouge. Ils méditent.
Sans remuer ils se tiendront
Jusqu à l heure mélancolique
Où, poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s établiront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu il faut en ce monde qu il craigne
Le tumulte et le mouvement,
L homme ivre d une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D avoir voulu changer de place.
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LXVIII. La pipe
Je suis la pipe d un auteur ;
On voit, à contempler ma mine
D Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur.
Quand il est comblé de douleur,
Je fume comme la chaumine
Où se prépare la cuisine
Pour le retour du laboureur.
J enlace et je berce son âme
Dans le réseau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu,
Et je roule un puissant dictame
Qui charme son cSur et guérit
De ses fatigues son esprit.
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LXIX. La musique
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D un vaisseau qui souffre ;
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